Opinión Internacional

Les enfants de la guerre

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Los niños de la guerra
Venezuela Analítica / 09.01.2008
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En Colombie, on estime à 11000 le nombre de garçons, filles et adolescents qui combattent dans les rangs de la guérilla des FARC et de l’ELN, ainsi que dans ceux des groupes paramilitaires d’extrême droite. Ces enfants, qui ont entre 9 et 16 ans, sont utilisés pour des actions risquées — amorcer ou désamorcer des mines antipersonnel, par exemple — l’espionnage, le travail domestique ou l’esclavage sexuel pour la troupe. Pour certains groupes armés, aussi bien de la guérilla que des paramilitaires, peu importe qui est recruté, garçon ou fille; seule compte l’augmentation des troupes face à l’escalade et la détérioration du conflit. Les dirigeants des FARC ont maintes fois confirmé le recrutement d’enfants et d’adolescents dans des déclarations de presse, en affirmant tout simplement que « n’importe quel jeune de 15 ans est capable de brandir une arme ». En conséquence, de 1990 à 2002, quelque 900 garçons, filles et adolescents ont perdu la vie ou ont été mutilés à cause de mines antipersonnel. Il n’est pas rare de les voir portant des armes légères et prêts à partir au combat, ou de retrouver leurs corps après un affrontement.

Selon les données dont dispose l’UNICEF (Impacto del Conflicto Armado en los Niños, Niñas y Adolescentes de América Latina), « enfants et adolescents sont recrutés parce qu’ils constituent un potentiel humain disponible, malléable et capable de mener différentes tâches en première ligne sans mesurer les risques. En général, les enfants et les adolescents obéissent sans rechigner, peuvent être poussés à commettre des actes atroces, et sont moins coûteux que les adultes. La prolifération d’armes légères et facilement maniables — pistolets, revolvers, fusils d’assaut, mitraillettes, mines et grenades — permet leur utilisation par des garçons et des filles d’à peine 10 ans. » Le recrutement forcé ou obligatoire de garçons, filles et adolescents constitue une grave violation de leurs droits à la vie, à la liberté, à vivre en famille ou avec leurs parents, à l’éducation, à la santé, à la protection contre l’exploitation et l’abus sexuel, sans parler des conséquences psychologiques permanentes que le plus souvent il entraîne chez eux.

La guerre a épuisé les mots, elle les a affaiblis, détériorés

Face au chaos d’insécurité que connaît la Colombie, où la population civile est quotidiennement prise entre deux feux, l’UNICEF prévient que « deux millions de déplacés, dont 1,1 million de garçons, filles et adolescents, ont souffert l’angoisse d’avoir à abandonner leurs foyers en raison de la violence, la peur et la mort. La plupart d’entre eux fuient les zones rurales pour trouver refuge dans les banlieues des principales villes de Colombie. Mais même là, ils ne sont pas en sécurité, les représailles violentes étant courantes. Si bien que nombreux sont ceux qui se voient obligés de traverser la frontière vers les pays voisins. » Une telle situation porte atteinte à tous les droits des garçons et des filles, parce que ses effets destructeurs et désorganisateurs sur les familles et les communautés provoquent de profondes transformations, sapent les garanties fondamentales et violent le droit à la vie.

Après avoir vu leur dignité et leur innocence ainsi humiliées, les enfants qui survivent à cette horreur ne pourront jamais grandir en tant qu’adultes normaux. Face à la ruine, la terreur et la dégradation que produisent des conflits armés comme la guerre en Colombie, où il n’est pas rare de recourir à la pratique méprisable d’enrôler garçons, filles et adolescents pour la violence et la guerre — ce qui hypothèque leur avenir, les empêche de grandir et les mutile physiquement et mentalement —, on doit affirmer amèrement, en paraphrasant Henry James, que « la guerre a épuisé les mots, elle les a affaiblis, détériorés ».

La guerre, qui est atroce, l’est encore plus quand elle devient normale

La révolte de groupes armés contre l’État et ses institutions date des années 1950 et s’est intensifiée à partir des années 1990, avec la multiplication des fronts de la guérilla et des offensives sanglantes des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et de l’Armée de libération nationale (ELN), conjuguées aux actions terroristes menées par les cartels de la drogue. Les groupes insurgés, de près de 50 000 hommes en armes, ont déclaré la guerre à l’État colombien et commencé à assassiner des candidats à la présidence, des juges, des magistrats, des policiers, des militaires et des journalistes, mettant ainsi la société colombienne au pied du mur. À cela s’ajoutent les groupes paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), mercenaires qui se vendent au plus offrant, bien souvent accusés d’exécuter les basses œuvres de l’armée. Les AUC contrôlent aussi une partie de la production et du trafic de drogue dans de vastes zones rurales et de la jungle.

Les puissantes organisations de trafiquants de drogue jouent un rôle prééminent dans le conflit, car elles dominent des pans entiers de la politique, de la finance et des entreprises. Elles ont fini par contrôler des parcelles de la sphère de l’État et même de la guérilla. L’alliance entre les trafiquants et la guérilla est tacite. Les guérilleros contrôlent les plantations et perçoivent un droit sur chaque kilo produit. Le trafic de drogue a suscité des alliances entre les groupes d’autodéfense et de guérilla dans certaines zones spécifiques où les uns assurent la garde des cultures et les autres surveillent les laboratoires.

Après l’échec du processus de paix, le gouvernement a opté pour une solution militaire. Le président Álvaro Uribe l’a récemment rappelé : « Ce n’est plus l’heure de négocier la paix; l’heure est à la définition militaire pour les vaincre. Il ne s’agit pas d’un conflit, mais bien d’une agression du terrorisme contre un peuple et contre des institutions démocratiques ». Washington, nouveau venu dans ce drame, a décidé d’accorder à l’État colombien, dans le cadre du Plan Colombia, plus de la moitié de l’aide militaire destinée à toute l’Amérique latine. Ce qui signifie, pour la Colombie, une reprise de la course aux armements et une escalade dans l’offensive militaire contre les groupes insurgés.

La société colombienne n’a pas connu de répit : de 1950 à 1990, elle n’a vécu que trois années sans état de siège. Et aujourd’hui, aucune possibilité de paix n’est en vue. L’apparition d’enfants soldats sur la scène colombienne n’est qu’une conséquence de plus d’une histoire de violence qui semble ne pas avoir de fin. La phrase de Susan Sontag est ici parfaitement illustrative : « La guerre, qui est épouvantable et atroce, l’est encore plus quand elle devient normale ».

Un pays tout entier raccommodé avec de la toile d’araignée

Au vu de sa nature et de son développement, ainsi que de sa brutale dégradation, le conflit colombien a été défini comme un cas de « barbarie asymétrique » (Iván Orozco Abad, Dealing with Symmetrical Barbarism: A Challenge for the Human Rights Movements). C’est une guerre entre des fronts guérilleros et l’armée régulière, où l’on retrouve également des affrontements entre la guérilla et des groupes paramilitaires. Par ailleurs, de puissants groupes de trafiquants de drogue entretiennent, à leur convenance, des alliances ou des confrontations avec les uns et les autres. Tous les groupes irréguliers sont impliqués dans des enlèvements, assassinats et atrocités contre la population civile. Ce mélange d’insurrection, de guerre civile, de terrorisme et de narcoterrorisme a fait de la Colombie une catastrophe humanitaire, en raison de l’existence de « zones d’ombre » sans contrôle ni légalité, ouvertes à l’arbitraire et à l’impunité, où tous sont engloutis, les victimes comme les criminels. Une seule image a suffi à Gabriel García Márquez pour décrire la situation chaotique de violence et le vide institutionnel qui règnent sur une grande partie du territoire colombien : « le pays tout entier est raccommodé avec de la toile d’araignée ». Exemple venant corroborer cette terrible affirmation : les 30 000 morts violentes chaque année, dont 3% à peine font l’objet d’un procès en justice avec sentence. Découlant directement de cette faiblesse de l’État, l’impunité encourage aussi bien la guérilla que les paramilitaires, ainsi que certains secteurs des forces de sécurité.

Comme le souligne Ivan Orozco Abad avec à-propos, il s’agit d’une guerre civile « sale », où « les camps opposés agissent tels des alliés de fait pour se livrer à des exactions et des meurtres contre des innocents appartenant au common reservoir de la population civile », sans aucune notion de lois humanitaires, et encore moins la possibilité de punir les coupables, vu l’absence d’institutions judiciaires, que ce soit dans les zones contrôlées par la guérilla ou dans les zones des paramilitaires. Autrement dit, les forces en présence agissent en toute impunité, mettant constamment en danger les efforts des organisations de défense des droits humains. Le degré de victimisation est tel, conclut Abad, qu’il semble s’agir d’une « guerre totale contre la population civile ».

Selon André Glucksmann (Dostoïevski à Manhattan), dans un conflit armé, le contrôle de la guerre et de la terreur doit être bilatéral, afin de faire ainsi la distinction entre les violences licites et illicites. Ces « lois de la guerre », fragiles et variables, imposent des limites à la possibilité de la terreur, car tout acte autorisé peut mener à l’inimaginable. Or, le « tout est permis » terroriste d’un État, d’un groupe ou d’un individu l’affranchit par principe de toute règle. De là que, lorsque les conventions ne sont pas respectées, la guerre se criminalise. Passées du marxisme à l’idéologie du « tout est permis », les guérillas colombiennes des FARC et de l’ELN, alliées au trafic de drogue, ont été placées, tout comme les groupes paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), dans la catégorie de « terroristes internationaux », coupables de crimes contre l’humanité.

Utiliser des enfants comme soldats est un crime de guerre

Étant donné l’internationalisation du conflit colombien, il est bon de rappeler les progrès juridiques visant à protéger les enfants dans les conflits armés. Adoptée en 1989, la Convention sur les Droits de l’Enfant est le principal instrument juridique pour protéger les garçons, les filles et les adolescents du monde entier. Les résolutions et protocoles concernant les enfants et les conflits armés, aussi bien ceux de l’Organisation des Nations unies (ONU) que ceux de l’Organisation des États américains (OEA), exhortent les États signataires et les autres parties des conflits armés à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’utilisation d’enfants soldats, et à garantir leur démobilisation et leur réinsertion dans la société. Le Protocole facultatif sur la participation d’enfants dans les conflits armés (2002) est indiscutable en ce sens. Quant au Statut de Rome (1998), ratifié en 2002, il considère comme « crime de guerre » l’enrôlement ou le recrutement d’enfants de moins de 15 ans pour participer à des hostilités.

Lois internationales protégeant les enfants de la guerre

Les conventions de Genève (1949)
Les protocoles optionnels (1977)
La Convention internationale des droits de l’enfant (1989)
Le Statut du Tribunal pénal international, ou Statut de Rome (1998)
La Convention 182 de l’OIT sur l’éradication des pires formes du travail des enfants (1999)
Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur la participation de mineurs dans les conflits armés, et notamment :
Résolution 1261 (1999)
Résolution 1314 (2000)
Résolution 1379 (2001)
Résolution 1460 (2003)
Le Protocole facultatif relatif à la participation des enfants dans les conflits armés (2002).

L’un des instruments juridiques les plus importants à l’échelle internationale est le Protocole facultatif relatif à la participation des enfants dans les conflits armés, entré en vigueur en 2002, qui peut être considéré comme un nouveau traité venant renforcer la Convention sur les droits de l’enfant. En effet :

Il interdit la participation directe de mineurs de moins de 18 ans aux combats.

Il interdit aux États le recrutement forcé de mineurs de moins de 18 ans.

Il interdit aux groupes armés le recrutement obligatoire ou volontaire, ainsi que toute participation aux hostilités de mineurs de moins de 18 ans.

Dans notre région, ce protocole a été ratifié par les pays suivants : l’Argentine, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, Panama, le Paraguay, le Pérou et la Colombie. Les autres pays n’ont fait qu’adhérer au protocole, mais ne l’ont pas encore ratifié.

Une coalition pour en finir avec l’utilisation d’enfants soldats

Dans une culture de la guerre, il y a peu d’issues pour les garçons et les filles qui subissent le déracinement, la peur, la solitude, l’insécurité, la discrimination et les mauvais traitements. L’avenir est pour ainsi dire hypothéqué pour les enfants, de Colombie ou d’ailleurs, qui subissent des conflits armés. Toutefois, une lueur d’espoir vient poindre dans ce drame : une instance de mobilisation sociale pour changer des situations de violations des droits des garçons, filles et adolescents. Il s’agit de la Coalition pour en finir avec l’utilisation des enfants soldats. Cette Coalition mondiale a été créée en 1998. Elle est formée d’Amnesty International, Human Rights Watch, Save the Children, le Service jésuite pour les réfugiés, Terre des Hommes, Défense des Enfants Internationale, entre autres organisations. La Coalition entretient aussi une alliance étroite avec des institutions de l’Organisation des Nations unies (UNICEF, HCR et UNESCO) dans quelque 40 pays. Depuis sa création, elle a mené un travail incessant d’éducation, d’information et d’incidence sur les politiques publiques liées à cette question. Selon Carol Bellamy, Directrice exécutive de l’UNICEF, « s’agissant de la souffrance des garçons et des filles touchés par les conflits armés, nous sommes tous responsables ». La documentation de l’UNICEF destinée à la sensibilisation et à la mobilisation autour de la Coalition et adressée aux journalistes et faiseurs d’opinion (Impacto del Conflicto Armado en los Niños, Niñas y Adolescentes de América Latina), a été produite à partir de la reconnaissance du rôle fondamental que peut jouer une information exacte et sensible dans la mobilisation de la société pour changer la législation et la pratique. Une information permettant de mieux comprendre les droits des enfants, d’éclaircir des situations et d’en dénoncer d’autres.

Susan Sontag (Devant la douleur des autres) pense que ce n’est pas là un acte inutile : « en faisant que la souffrance semble plus vaste, en la mondialisant, en lui donnant son indispensable signification, on en fait peut-être un aiguillon pour que les gens sentent qu’elle peut les intéresser ». Toujours est-il que les questions concernant l’enfance victime des conflits armés et la protection de ses droits ne pourront être abordées que lorsque la société toute entière défendra une culture de la paix et de la vie en commun pacifique.

«Les enfants de la Guerre», es uno de los trabajos de Edgar Cherubini Lecuna publicados en Analitica, Seleccionado y galardonado con el Premio de Periodismo Lorenzo Natali de la Unión Europea, 3er lugar correspondiente a la región de Latinoamérica y El Caribe. La Comision Europea premió a 15 periodistas de 115 paises por sus trabajos en defensa de la democracia, los derechos humanos, el desarrollo y la paz.

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